L’imitation dans la création

Rôle de l’imitation

L’origine primitive d’un but recherché, exprimé ou non, est souvent un besoin naturel, auquel l’homme répond par ce qu’il croit être une imitation de la nature, source de modèles dont il pense qu’ils méritent d’être imités.

   Un modèle est ce qu’on imite, parce qu’on a vu ce qu’il a fait et qu’on a jugé que cela était bon. C’est un moyen d’expliquer et de prévoir les phénomènes, par leur répétition, leur imitation d’un phénomène semblable ou analogue. Il met en valeur le raisonnement par analogie, dont il y a lieu d’explorer le domaine de légitimité, qui est vaste.

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Qu’est-ce que concevoir, créer ?

Un concept est lui-même un objet artificiel, fabriqué par le cerveau humain pour le but de changer le monde, en aidant à créer de la nouveauté. Cet objet n’est pas une chose, il a un nom : le nom d’une classe. Émanation de la raison, le concept n’a pas de limites, mais le cerveau qui le produit en a : son volume, son temps de réponse, etc. , celles de l’appareil sensori-moteur et de l’appareil neuronal qui alimente en énergie et information sa capacité de créer ; les limites de la capacité humaine de s’informer et de raisonner, de concevoir et de créer, viennent s’ajouter aux caractéristiques du milieu intérieur de l’objet artificiel qu’on peut concevoir, qu’il faut prendre en compte dans sa définition.

Une création implique l’existence d’un ou plusieurs créateurs faisant preuve de créativité. Elle implique aussi que le problème du temps ait été éclairci, ce qu’on vient de tenter en partie. Pour qu’il y ait une création, il faut qu’il y ait un avant et un après, qu’on ait fléché le temps : sinon la création ne peut être qu’une découverte, la révélation d’une vérité cachée qui est dévoilée. Ayant découvert que le monde s’explique en grande partie en termes mathématiques, on a pu croire que cela impliquait que Tout a été créé par un Mathématicien, comparable à un Grand Ordinateur, ou plusieurs, formant une assemblée olympienne d’Ordinateurs qui se partagent ce travail considérable. Mais alors Il ou Ils auront tout prévu d’avance et il n’y a plus rien à créer : c’est ce que beaucoup croient, avec toutes sortes d’arguments théologiques. Il faut donc préciser que nous parlons de création par des êtres humains. Il se peut qu’une intelligence artificielle se révèle un jour capable de créer des objets nouveaux auxquels les humains n’ont pas pensé, mais qu’ils se mettent à désirer par imitation : objets répondant à un but de l’intelligence artificielle, peut-être différent d’un but humain. Mais nous n’en avons pas plus l’idée que les animaux n’en ont des objets qui intéressent les humains.

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De l’Explication

Qu’y a t il à expliquer à propos des objets ?

Inutile de remonter jusqu’à Homo Faber. Il ne voyait que des objets naturels : ceux qui bougent, ceux qu’on mange, et les autres  ;  il évitait ce qu’il trouvait mauvais, imitait ce qu’il jugeait bon, l’adorait comme un dieu, qu’il priait pour qu’il fasse tomber la pluie, il classait sans expliquer.

L’un des premiers à y penser fut Héraclite, à une époque où l’on ne distinguait pas encore clairement le rêve, l’hallucination, du réel : si nous percevons le monde par nos sens, « il faut suivre ce qui est commun », conseillait-il , privilégiant déjà la communauté opposée à l’individu ;  ce que tout le monde sent a davantage de chances de représenter le monde réel.

Mais constatant que nos sens sont trompeurs, Parménide décida de ne pas les croire du tout, et cherchant une vision du monde indépendante des sens, trouva qu’il ne pouvait contenir qu’un seul Objet : Un, au surplus immobile, fini, éternel, et que tout ce que nos sens nous montrent n’est qu’illusion. Ce monde et ses objets ne sont pas. La chose qui est, c’est la pensée. « Penser et être c’est la même chose » : un Sujet. Finalement Il n’y a pas d’Objet. Il n’y a pas non plus de non-être : on ne peut même pas le nommer.

Beaucoup de philosophes ont tenté de leur répondre depuis, y compris Simondon : il s’inscrit dans la ligne de ceux qui, au lieu d’opposer, composent le devenir d’Héraclite avec l’être de Parménide en un être-devenir.

Platon a tenté de répondre par la voix du Sophiste en opposant au même l’autre, qui est le non-être, et le sophiste Protagoras a défendu l’idée  que « l’homme est la mesure de toute chose ». C’est vite dit, et à première vue plutôt prétentieux : qu’entendait-il par mesure ? l’explication, ou la chose à expliquer ?

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Genèse d’un objet artificiel

Cet article traite des tentatives de création d’objets artificiels[1] : par définition les objets qui sont conçus par des êtres humains, pour atteindre une fin susceptible d’intéresser des êtres humains,   par opposition aux objets naturels créés par la nature  ; et des embûches survenant sur le chemin de ces créations, ainsi que de quelques moyens de les éviter.

Le thème principal abordé ici consiste à traiter au plan le plus général la nature du processus de la conception, suivie de la création d’un objet artificiel, qui pourrait être matériel ou immatériel. Les exemples d’application à des objets artificiels seront pris principalement dans le domaine du transport.

L’être humain ressent quelques besoins vitaux et une multitude de désirs, dont la satisfaction constitue l’aboutissement de fins humaines et une justification des moyens employés.

Mais il n’y a pas de rapport évident entre l’objet artificiel vu au départ comme l’aboutissement d’une fin humaine, et les moyens de cette fin : une fin n’est pas associée à une structure, une forme, des fonctions déterminées  ; les moyens prérequis pour l’atteindre ne découlent pas nécessairement d’une définition de l’objet artificiel par une fin recherchée à l’origine : l’essence d’un objet artificiel en gestation est la forme de son état présent, qui évolue avec le temps pour s’adapter à lui-même  ; à l’origine il est un objet abstrait, conçu, puis créé : soit en lui-même pour une fin culturelle  ; soit pour être concrétisé de manière à répondre à une fin de préférence multiple, car le nombre d’objets qui font quelque chose de valable est limité et très inférieur au nombre incalculable des désirs humains  ; si l’on aboutit en bout de parcours à un objet concret dont le but n’est « que ce qu’il fait », suivant l’adage : The purpose of a system is what it does   énoncé par Stafford Beer, il « vaudrait mieux » que ce but, défini a posteriori, ait suffisamment de souplesse pour s’adapter à la satisfaction du plus grand nombre possible de désirs.

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Illusions créatrices musicales

Illusions arithmétiques

Le compositeur Daniel Goyone a construit un univers de compositeur bien personnel, à l’écart des classifications musicales habituelles. Pianiste issu du monde du jazz, il a été influencé par sa pratique de musiques latino-américaines (cubaine et brésilienne) et indiennes.

Sa musique conjugue une grande attention à l’aspect mélodique et à l’écriture avec une recherche sur l’utilisation de modes, de cycles rythmiques. Il a d’abord cherché en combinant au hasard gammes et accords, en retenant ce qui marchait musicalement, avant de tenter de mettre ses idées en ordre. Utilisant des contraintes comme déclencheur d’idées, il est revenu à des procédés plus classiques pour la mise en forme.

Un exemple de ce travail : le compositeur qui part des douze demi-tons de la gamme chromatique cherche à les combiner et se demande par exemple comment diviser l’octave en cycles de 7 ou 5 intervalles. Il constate que les cycles proches d’une division équilibrée sont ceux qui engendrent la gamme diatonique : 2 2 1 2 2 2 1, et la gamme pentatonique : 2 2 3 2 3.

Goyone prolonge cette constatation en expérimentant d’autres cycles en fonction de la succession d’intervalles qui les composent : choisir un accord ou une gamme à l’intérieur de la gamme chromatique revient alors à définir un rythme qui n’est pas temporel, mais un rythme d’intervalles.

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Sérendipité

Origine historique.

Embauché comme chercheur à  la SNECMA au lendemain de la guerre, je fus affecté au service de l’ingénieur Jean Bertin, dont l’imagination était inspirée à cette époque par le tube de Schmidt, moteur à explosions périodiques d’une source de carburant, servant à la propulsion d’un missile allemand qui avait transporté la bombe V1: il consistait en un tube droit fermé à l’avant par un clapet travaillant des deux cotés: quand il était fermé, une poussée était produite par les gaz expulsés vers l’arrière; quand la pression retombait, de l’air frais pénétrait dans le tube de l’autre coté du clapet, et permettait une nouvelles explosion entretenant un cycle propulsif.

Ce tube inspirait à Bertin l’idée  d’imiter le fonctionnement de ce modèle par un appareil ne comportant pas de clapet: il cherchait à construire un moteur n’ayant pas de pièce mobile du tout, dont il existait quelques exemples: une tuyère thermopropulsive de René Leduc avait reçu un soutien enthousiaste du Service Technique du Ministère de l’Air. Il voulait  réaliser un tube propulsé par des gaz d’échappement éjectés principalement vers l’arrière, en éjectant le moins possible de gaz vers l’avant. Ce tube serait un exemple de pulsoréacteur[1].

À cet effet, il cherchait  à expérimenter des tuyaux et conduits de toutes sortes de formes,  qu’il appelait détecteurs (comme les diodes) dans l’espoir qu’une forme produirait dans la matière une différence des débits de gaz entre les deux sens: en somme une diode de gaz.

Mon travail consistait à  essayer toutes les formes possibles de tuyauteries susceptibles  d’exercer une fonction de diode.

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Apparition du sacré

Apparition du sacré

   Jusqu’ici la plupart des objets artificiels évoqués dans ce blog  étaient des objets matériels. Dans cet article il sera question d’ «objets» artificiels conçus par des êtres humains individuels ou en collectivité : un théoricien en action, une société en situation de défense, une idéologie partagée, une religion pratiquée. Leur finalité sera d’être des objets sacrés.

René Girard développe un rapport entre le sacré et la violence. Selon René Girard, le sacré fait partie «des choses cachées depuis la fondation du monde» : kekrymmena apo katabolis kosmou, selon Matthieu. René Girard explique pourquoi homo sapiens qui s’est formé il y a quelques millions d’années a instauré des sacrifices d’êtres humains, qu’il a mangés  ;  puis les a remplacés par des sacrifices d’animaux, qu’il a domestiqués à cet effet avant d’en faire une partie de sa nourriture  ;  pour finir par se contenter souvent de sacrifices végétaux, comme ceux qui font l’objet des principaux rites de la Pâque juive, ainsi que du pain et du vin de l’eucharistie chrétienne.

Il s’agit là d’objets artificiels par excellence. Le pain est un mélange finalisé de farine, d’eau et de temps : le temps du travail de la pâte, de l’espoir. Le vin est aussi un mélange finalisé de raisin écrasé, d’eau et de temps de travail : c’est mon sang, dit Jésus. Lors de la Pâque juive, on en boit quatre coupes qui rappellent le sang de l’agneau pascal, signe qui a servi à épargner les Hébreux pendant la dernière plaie d’Egypte. Mais on mange du pain azyme, mélange de farine et d’eau sans le temps, qu’on n’a pas, car il faut fuir pour survivre, un pain sans espoir immédiat : c’est mon corps, dit Jésus. Et pourtant il faut aussi manger pour vivre, car vivre c’est manger du  temps.

Les faits les plus anciens n’ont pu avoir de témoins : ils ont fait l’objet de mythes portés par une tradition orale, jusqu’à l’apparition de l’écriture qui a changé leur destin. Mais la relation du sacré à la violence est apparue d’une autre manière. Les concepts de sacré, de tabou intouchable, rapportés à l’incommunicable inspirent les réflexions suivantes.

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Architectes vs Transporteurs

Les concepteurs de mode nouveau de transport ont posé des problèmes d’architecture et d’urbanisme parce qu’ils devaient trouver des solutions pour insérer leur système dans un tissu existant : on leur demandait de ne pas le détériorer.

Quant aux architectes et urbanistes, ils s’interrogeaient sur l’architecture optimale pour un milieu à doter d’équipements de transport : qu’il s’agisse d’une rue piétonnière, d’un centre commercial, de l’espace dégagé autour de tours, d’insuffler la vie à une ville nouvelle, les partis choisis jusqu’à présent faute de mieux pour la circulation à pied, pour le transport des usagers à distance, n’étaient pas à recommander pour l’avenir : consommation élevée d’espace urbain dévolu à l’automobile dans les grands ensembles de bureaux ; distances excessives de marche à pied imposées aux piétons qu’on aurait pu éviter, nombre de piétons qui n’étaient que des usagers d’une voiture individuelle qu’il leur a fallu garer loin, etc.

Or architectes et urbanistes ne pouvaient plus ignorer à partir de 1970 qu’il existait de nouvelles possibilités de transport urbain, certaines opérationnelles, d’autres très avancées : ils n’étaient plus condamnés à l’automobile; disponibles: c’était encore à voir. Mais de nouvelles structures étaient imaginables : qui sait quels types d’urbanisation seraient induits par l’éventualité de nouveaux moyens mis à disposition des citoyens pour modeler leur cadre de vie ?

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Illusion créatrice d’une alternative à l’automobile

Une alternative à l’automobile: le PRT.

   Le concept de Personal Rapid Transit PRT, a été présenté dans les années 1970 comme une «alternative valable à l’utilisation de l’automobile en zone urbaine à circulation dense». ARAMIS en était l’exemple français, de très haute technologie. Le PRT continue à faire rêver, alors qu’il est l’exemple parfait d’une illusion créatrice d’un objet artificiel auquel on a assigné un but hors d’atteinte en exploitation : interface entre un environnement interne porteur du rêve mais aussi de contraintes mal perçues, et un environnement externe inaccessible.

A tort ou à raison, l’automobile était perçue comme un transport porte à porte présentant l’avantage d’être «sans arrêt intermédiaire» entre une origine et une destination quelconques qui lui seraient accessibles, à toute heure. C’est bien ce que son conducteur souhaiterait faire, son rêve, qui est à peu près réalisé aux heures creuses. En réalité son véhicule doit respecter les arrêts prescrits par le code de la route, les feux rouges, et il doit subir les arrêts causés par le trafic aux heures de pointe, les embouteillages, sans compter les nuisances annexes : bruit, pollution ;  et le trajet n’est pas porte à porte si l’automobiliste peine à trouver un endroit où garer sa voiture à proximité de sa destination.

Le but assigné à un PRT est de le dissuader de se servir de son automobile en zone urbaine, en lui offrant un transport accessible à des stations pas trop éloignées de ses lieux d’origine et de destination, et où il pourrait accéder à un véhicule le transportant entre ces deux stations sans arrêt intermédiaire inutile pour lui à d’autres stations. Continuer la lecture

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Qu’est ce qu’un transport de personnes?

Appelons «transport de personnes» leur déplacement d’un point vers un autre s’il est intentionnel, ou obligé, et d’une longueur supérieure à un maximum qui serait parcouru à pied sans fatigue et sans ressentir le besoin d’une aide. Sa finalité est d’économiser du temps et d’éviter de la fatigue. Il implique l’emploi de technologies de transport de personnes et une dépense d’énergie conséquente, définissant  un « système de transport » collectif. Le transport de personnes ressentant le besoin d’une aide nécessiterait  des mesures particulières adaptées.

Ce concept est distinct de celui de «déplacement de piéton». L’amélioration de ces déplacements de piétons passe peu par la technologie:  elle implique l’emploi de peu d’énergie et de beaucoup d’information. A la limite un piéton qui marche vers un but pourrait se considérer comme un véhicule se transportant lui-même, motorisé par son métabolisme, pour tout déplacement ne nécessitant pas l’emploi d’une aide technique ;  de même une bicyclette, des patins à roulettes, un skateboard, une trottinette électrique, sont utilisés par une personne, ou par une population, pour se déplacer sur des supports appropriés.

Un système de transport doit être animé d’une vitesse relative suffisamment élevée pour que le gain de temps de transport incite à son utilisation. L’usager standard pourrait monter dans le sens du mouvement sur le tapis d’un trottoir roulant à 0,7 mètre par seconde, ou en Europe de l’Est à 0,8 mètre par seconde maximum, en limitant l’accès du trottoir aux personnes suffisamment ingambes. Sinon, il faut que le plancher du transporteur s’immobilise un moment pour que l’usager puisse s’y transférer par lui-même avant d’être transporté.

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