Embûches de la création musicale

La recherche artistique, en particulier musicale peut être vue comme un artefact: produit par des cordes vibrantes, des embouchures de flûte, des battements sur des peaux amplifiés par des caisses de résonance.

La musique est capable de provoquer dans son environnement de fortes émotions, différentes suivant les populations : les fosses nasales des asiatiques diffèrent de celles des occidentaux, les cordes vocales des africains sont plus longues. Elle fait intervenir quelques structures formelles, quelques archétypes d’apparence universelle : certains singes reconnaîtraient l’intervalle d’octave. Mais la plupart d’entre nous ne savent pas ce que disent les oiseaux quand ils chantent : on peut supposer qu’ils communiquent par mimétisme pour persévérer dans leur être.

Quant à l’environnement, dont on estime qu’il commande le but de l’activité de recherche d’un compositeur, ou qu’il exerce une influence déterminante sur elle, si on retient d’abord le milieu professionnel au sein duquel il évolue, il n’est pas très différent en nature de celui d’un ingénieur cherchant à créer un système adapté à ses buts : la meilleure preuve en est l’empressement qu’il a mis à utiliser les moyens de conception assistée et même automatisée par ordinateur.

Le compositeur et l’ingénieur, et probablement le sculpteur et le peintre, l’autiste, ou un Chaman, rencontrent des problèmes analogues de représentation de ce qu’ils ont en tête, de conception de l’architecture d’ensemble de l’œuvre, et les mêmes difficultés de création, s’ils doivent faire face au milieu professionnel en place, dans ses préjugés, aussi destructeurs sinon plus qu’un parterre d’auditeurs insensibles.

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BabelEyes, Ethn’opera des langues en danger

Philippe Kadosch fait partie d’un petit cercle de compositeurs:   il en partage les sensibilités, les préoccupations, et contourne les mêmes embûches pour parvenir à une création.

Il s’est demandé un jour : pourquoi chercher des paroles exprimant du sens sur des compositions chantées ?  Il n’a fait entrer aucun sens dans sa musique, mais seulement des notes, des rythmes et des sons particuliers. Il a entendu parler de langues, en voie de disparition ou disparues, faute d’interlocuteurs, et de sens à communiquer. Et s’il utilisait le son de ces paroles inutilisées, abandonnées, à la fois comme forme et comme matière, acoustique et phonétique ?

Ce matériau et cette forme sonore lui ont permis de sculpter la plastique de mots, et d’orchestrer leurs syllabes, en jouant sur leur seule musicalité.

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Concurrence du turboréacteur

Apparition du turboréacteur

Un Groupe d’études situé à Suresnes a été converti en 1946 en Centre de Recherches de la SNECMA nouvellement créée, sous la direction technique de Raymond Marchal , pour construie des moteurs d’avion : dans la pénurie ambiante elle ne pouvait produire au départ que le moteur 14N de Clerget d’avant guerre.

Une course à la puissance finit par aboutir à proposer un ensemble de 4 moteurs à neuf cylindres suralimentés: le 36T, qui aurait pu être une belle machine performante, le dernier cri du moteur à pistons!  Mais le vent du progrès avait tourné : le gros moteur à piston pour le transport aérien collectif poussé au gigantisme se présentait comme un dinosaure, ne pouvant plus supporter la concurrence du turboréacteur, apparu à la fin de la deuxième guerre mondiale comme un moteur d’abord abstrait, dont la pression était obtenue dans un compresseur centrifuge, au prix d’un diamètre d’un encombrement excessif. Il laissa vite la place à un compresseur axial mis au point, dont la performance paraissait illimitée, et dépassa dès le premier modèle celle des moteurs à piston les plus puissants.

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Problèmes du moteur à piston

Les problèmes du moteur d’aviation à piston sont un bon exemple des problèmes d’un objet technique naissant, qui subit des mues, et disparaît, en engrangeant de l’information provenant de son milieu associé : cela fait partie de son être. La forme des milieux associés révèle l’information engrangée, se traduisant par une interaction entre les éléments.

    Un moteur est d’abord défini comme un assemblage d’éléments remplissant chacun une fonction déterminée, qu’on lui fait remplir au mieux sans tenir compte des autres  ;  puis l’assemblage des organes soulève des problèmes, traités en ajoutant des pièces ayant pour fonction de résoudre ces problèmes de la manière la plus efficace.

Dans un moteur abstrait chaque élément joue un rôle indépendamment des autres.              Dans un moteur concret chaque rôle peut être joué par un ensemble d’acteurs présents quels qu’ils soient si leur alliance engendre un avantage.

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Les mésaventures d’une création

Création de l’inverseur de poussée

La licence des brevets de la SNECMA sur son inverseur de poussée des moteur à réaction a été cédée à la compagnie américaine Aerojet General, productrice des moteurs fusées, sponsorisée par le professeur Von Karman, qui recommanda cette licence[1]. Mais les constructeurs de turboréacteurs, acquéreurs potentiels d’un inverseur de poussée, considérèrent ce constructeur de fusées comme un concurrent futur plutôt qu’un fournisseur d’accessoire, de frein d’atterrissage.

D’où, chose remarquable, le sort exemplaire qui s’ensuivit pour cette création se heurta à des embûches présentant une forte ressemblance avec celles de la fable de l’espadon et des requins telle que la raconte Ernest Hemingway dans sa nouvelle Le vieil homme et la mer.

Le vieux pêcheur Santiago qui a pêché un énorme poisson le ramène au port attaché à sa barque, mais une bande de requins attaque cette proie tout au long du chemin de retour.

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Forme, Matière, Energie

Le philosophe Simondon a critiqué le principe substantialiste issu de l’atomisme, ainsi que le schème hylémorphique de la matière informée, et privilégié les problèmes de l’énergie, guidé par des paradigmes empruntés à la thermodynamique : celui de la cristallisation comme modèle de son individuation, détaillé dans un autre article de ce blog, et le modèle d’apparence plus simple du moulage d’une brique comme une image du pré-individuel.

Simondon utilise ce modèle pour démontrer que dans l’opération technique donnant naissance à un objet pourvu d’une forme et d’une matière, comme une brique de terre, l’argile conçue comme support de la propriété physique de plasticité est une matière abstraite, et le parallélépipède rectangle, conçu comme figure géométrique, est une forme abstraite. De ce fait le schème hylémorphique est une boîte noire :

« il correspond à la connaissance d’un homme qui reste à l’extérieur de l’atelier et ne considère que ce qui y entre et ce qui en sort. Pour connaitre la véritable relation forme-matière, il ne suffit même pas de pénétrer dans l’atelier et de travailler avec l’artisan, il faudrait pénétrer dans le moule lui-même pour suivre l’opération de prise de forme aux différents échelons de grandeur de la réalité physique[1]».

C’est bien l’opération à laquelle se livre mentalement le philosophe en décrivant la prise de forme comme s’il la subissait lui-même en pénétrant dans le moule. il décrit avec un luxe de détails des faits et gestes du mouleur relevant de la dynamique, dans un langage qui s’apparente souvent au rêve : action du modeleur et réaction du moule s’opposent comme thèse et antithèse pour composer la synthèse de la brique. Le philosophe Bachelard rêve, à propos du cristal, « corps qui accepte l’extérieur en son intérieur » en expulsant des gangues, d’une analogie avec la dialectique hégelienne[2] qui s’appliquerait aussi bien à la brique, et aurait pressenti le pré-individuel : «Le corps individuel est d’abord obscur…Mais dans la matière façonnée, et par suite individualisée par la forme, on voit disparaître cette obscurité[3] ».

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Approche d’un cloisonnement

Communication entre objets à leurs contours

   Pour déterminer les concepts utiles à la description d’entités susceptibles de communiquer, procédons par circulation de métaphores revêtues d’un brevet de scientificité au passage, en prenant comme point de départ une approche rationaliste du problème des cloisonnements, illustrée par un raisonnement classique sur des objets à l’état d’équilibre thermodynamique.

On commence toujours par établir une première frontière, par la pensée ou dans un laboratoire, entre une certaine portion de l’espace matériel, qualifiée d’« objet d’attention », et tout ce qui l’entoure qui pourrait avoir une influence sur son comportement : portion de l’environnement de l’objet qu’on peut  appeler milieu associé. L’objet d’attention est décrit par un certain nombre de caractéristiques quantitatives ou qualitatives dont la liste constitue son état. Dès l’abord on fait la distinction :

– entre les caractéristiques mécaniques de l’objet d’attention : ses coordonnées de position et de vitesse, sa masse, ses axes d’inertie, etc. ; dont la liste détermine son état externe qui satisfait aux lois de la mécanique et permet de calculer ses changements de position à tout moment  ;

– et les autres caractéristiques dont la liste constitue l’état décrit de l’intérieur, ou état interne.

Si l’espace est cloisonné en régions, chacune a pour environnement: toutes les autres, elle les influence et subit leur influence, et les caractéristiques descriptives des états externes et internes des régions sont couplées.

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Modèles d’événements

Considérons l’interdépendance d’un objet et de son milieu, suivant que l’objet est une chose tout court comme une pierre, un objet technique ou culturel, ou un être vivant: comme un plant de geranium, ou un chien, ou bien un être humain pensant et parlant.

Pour créer un objet matériel et plus généralement pour exercer une action matérielle sur lui, l’utiliser, un agent extérieur utilise une énergie extérieure à cet objet, et cette opération est considérée comme venant d’une cause efficiente, qui produit sur l’objet un effet.

 Dans ce monde de causalité linéaire, les événements qui ont lieu sont les effets causés à un objet chose, à l’aide d’une source d’énergie extérieure à l’objet, par des forces aveugles dépourvues de finalité : on n’y perçoit aucun échange d’information, aucune communication, mais transmission d’énergie extérieure à la chose, produisant un effet qui obéit aux lois de la physique.

Mais dans un monde tenant compte de la communication, les événements sont au surplus les effets causés circulairement à n’importe quel objet ou système par un échange d’information, échangée entre deux objets, émise par l’un et reçue par l’autre: une telle information peut être considérée comme :

– un stimulus causé par l’objet émetteur, qui engendre chez le récepteur un effet en réponse, à l’aide d’une source d’énergie venant du récepteur

– ou une “différence qui crée une différence “dans l’objet récepteur.

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Modèles de la Transduction

        Notions de base

Pour expliquer l’univers, les anciens s’appuyaient sur un principe constitutif du monde : l’arkhé, capable d’agir sur un élément matériel, le stoikhéion, susceptible de transformations assez souples pour prendre toute la diversité des apparences du devenir.

La pensée du philosophe Simondon s’inspire de celle du philosophe ionien Anaximandre, qui a proposé comme arkhé, principe à l’origine de tout ce qui existe, l’apeiron : l’illimité en étendue, sans contour externe  ;  l’innombrable en quantité  ;  l’indéfini en qualité, sans limite interne  ;  l’inengendré, l’immortel, sans commencement ni fin, cause de la genèse comme de la destruction de toute chose, et a choisi ensuite de représenter les formes changeantes du devenir par « les contraires ».

Dans un esprit voisin, Simondon propose une représentation modernisée de l’apeiron d’Anaximandre, basée sur les dernières connaissances scientifiques. Au lieu d’aborder la réalité de l’être comme individu constitué et donné, et chercher ensuite quelle est son origine, il admet l’existence préalable d’un état préindividuel, devenir de l’être, équivalent de l’apeiron, de l’être en tant qu’être, d’où émerge la genèse d’un processus d’individuation, de réalisation d’un individu, être en tant qu’il devient.

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L’analogie, modèle de l’abduction

Structure et processus

Pour Gregory Bateson[1], le modèle de l’événement qui advient à un objet  (d’une information à lui transmettre, ou à en recevoir) est une interaction entre la structure (une forme) des éléments de cet objet, et un processus (un flux d’événements), actionnée par l’énergie du système : deux concepts bien utiles, qui couvrent à peu près tout ce dont il est question dans ce blog, en y ajoutant un éclairage historique convenable, car l’information à transmettre n’a rien à voir avec l’énergie, et ne compte pas par sa quantité mais par sa nature. La structure intervenante consiste en un seuil de perception, dépendant de la forme de l’information plutôt que de sa quantité, seuil à partir duquel elle active le déclenchement d’un événement.

Ainsi, la transmission au suivant : l’évolution des espèces, l’hérédité des caractères acquis, l’embryologie sont des processus  ; mais l’espèce elle-même, le caractère acquis, les organes sont des structures.

Origine de l’ Abduction: une analogie

   Un modèle a pour vocation de comparer des objets, ou ici des événements, isolés si c’est possible, en vue de les comprendre et s’il y a lieu de les imiter : il est donc utile pour étudier la communication et l’information, qui sont des relations, examinées en détail plus loin. À cet effet on part de ressemblances constatées dans une comparaison de comportements, qui démontre une analogie entre la forme des relations, et on cherche à expliquer ces similitudes, par des lois de forme semblable.

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