Apparition du turboréacteur
Un Groupe d’études situé à Suresnes a été converti en 1946 en Centre de Recherches de la SNECMA nouvellement créée, sous la direction technique de Raymond Marchal , pour construie des moteurs d’avion : dans la pénurie ambiante elle ne pouvait produire au départ que le moteur 14N de Clerget d’avant guerre.
Une course à la puissance finit par aboutir à proposer un ensemble de 4 moteurs à neuf cylindres suralimentés: le 36T, qui aurait pu être une belle machine performante, le dernier cri du moteur à pistons! Mais le vent du progrès avait tourné : le gros moteur à piston pour le transport aérien collectif poussé au gigantisme se présentait comme un dinosaure, ne pouvant plus supporter la concurrence du turboréacteur, apparu à la fin de la deuxième guerre mondiale comme un moteur d’abord abstrait, dont la pression était obtenue dans un compresseur centrifuge, au prix d’un diamètre d’un encombrement excessif. Il laissa vite la place à un compresseur axial mis au point, dont la performance paraissait illimitée, et dépassa dès le premier modèle celle des moteurs à piston les plus puissants.
Au surplus, on s’aperçut à l’usage que la durée de vie d’un turboréacteur, son M.T.B.F. : mean time between failure (moyen temps de bon fonctionnement ) temps moyen entre deux défaillances aléatoires, ou moins dramatiquement entre deux révisions générales, se révélait très supérieur à celui des moteurs à piston : 15000 heures, vie dix fois plus longue ! La cause technique d’origine conceptuelle, donc abstraite, en était que le moteur à piston est composé d’un grand nombre d’éléments en mouvement relatif les uns par rapport aux autres, dont la masse et l’élasticité induisent des vibrations mécaniques entretenues par le fonctionnement également périodique du moteur ; vibrations s’ajoutant à celles aléatoires engendrées par les relations avec l’environnement ; le grand nombre des mouvements relatifs, très supérieur à 30 avait de toute façon pour effet que la somme des vibrations satisfaisait à la loi des grands nombres suivant une distribution en cloche de Gauss des aléas. Comparativement le turboréacteur ne contient qu’une pièce en mouvement rotatif, individu plutôt qu’élément : compliquée, et chère, mais une seule, introduisant les seuls modes propres de vibration d’une pièce unique produisant par sa rotation le fonctionnement moteur ; mais lors de sa concrétisation progressive, des sources aléatoires nouvelles d’importantes vibrations apparaitront : la pièce tournante à son plus grand rayon dépasse la vitesse du son et engendre des ondes de choc ; les aubes du compresseur comme celles de la turbine sont des ailes rapides qui entretiennent un sillage turbulent à leur bord de fuite. Le résultat fait un bruit global très gênant, bien plus élevé que celui des avions précédents.
Une autre difficulté rencontrée par l’avion à réaction est sa vitesse élevée au décollage et à l’atterrissage : son milieu associé doit comporter une très longue piste d’atterrissage. L’article: “Comment arrêter un cheval emballé” est consacré à cette question importante et à l’objet artificiel développé pour la résoudre : un inverseur de la poussée produite par le turboréacteur.
La performance de ce moteur nouveau, augmentée grâce sa forme adaptée, est limitée par sa matière : limitons-nous aux parties les plus chaudes pouvant atteindre 2000°C ; les aubes de turbine à la sortie de la chambre de combustion doivent être refroidies, par l’air le plus frais disponible, environ 500°C, prélevé sur le compresseur : difficile à utiliser, il circule à l’intérieur des aubes, équipées de barrières thermiques déposées sur leurs parois.
Les aubes sont construites avec un alliage résistant au fluage à haute température : il s’agit d’une déformation irréversible sous un effort constant appliqué longtemps. Un alliage est la combinaison de plusieurs éléments pour obtenir une meilleure tenue à haute température par solidification unidirectionnelle : les cristaux croissent dans une seule direction. L’alliage contient deux phases entre lesquelles se répartissent ses éléments composants. Un alliage cristallin élaboré par solidification dirigée se présente avec une structure à dendrites et espaces interdendritiques, un peu moins durs. Un très petit désaccord entre les tailles des cristaux des deux phases (1 pour mille) produit un misfit qui influe sur le comportement mécanique de l’alliage, sa dureté ; il représente les contraintes internes dans l’alliage susceptibles de produire des dislocations quand la température augmente, avec une diffusion des atomes d’une phase précipités à travers les couloirs des dislocations.
Les premiers alliages qui autorisaient un fonctionnement à une température ne dépassant pas 700°C, ont été perfectionnés et se maintiennent aux conditions de référence actuelles : une température de 1050°C et une pression de 1400 bars(atmosphères), avec des courtes pointes à 1200°C en cas de problème (défaillance d’un moteur sur deux).
On a pu résoudre peu à peu les problèmes liés à l’utilisation intensive de ce type de moteur pour ce moyen de transport : l’atterrissage sur une piste de longueur modérée, l’adoption d’une structure double flux double corps réduisant le bruit ; mais aussi chercher à abaisser la consommation en carburant en diminuant le poids, par la réalisation des aubes de turbine en composite à matrice céramique ; il a fallu intervenir également sur la structure de l’aéronef lui-même supportant le moteur par un mât, dont la fonction multiple est de maintenir le turboréacteur sur l’aile, de transmettre sa poussée à l’aéronef, et aussi de contenir de nombreux câbles, d’apporter le carburant au moteur et de l’air frais à l’avion, de supporter les rafales de vent et les grandes différences de température entre le sol et les altitudes élevées : le matériau utilisé est un alliage d’acier à vieillissement de la martensite, à matrice sursaturée en cuivre dont le traitement thermique de revenu a été ajusté pour répondre à ces fonctions.